La série Homeland, dont la deuxième saison débute ce jeudi
soir sur Canal +, met en scène une héroïne, Carrie Mathison, souffrant
de maniaco-dépression. Ultra médiatisée, cette pathologie ne doit
pourtant pas être prise à la légère, ni vulgarisée.
"On a tendance à voir des bipolaires partout" "On a un peu tendance aujourd'hui à voir des bipolaires partout", confirme Raphaël Giachetti, psychiatre au sein de la clinique d'Aufrery à Toulouse, premier établissement à avoir mis en place un suivi "psycho-éducatif" de ces malades. "Tous les jours ou presque, on m'envoie de supposés maniaco-dépressifs qui n'en sont pas. Pourtant c'est une pathologie qui ne pose aucun doute."
"C'est l'alternance de trois états qui définit cette maladie, explique le psychiatre: la dépression, lourde et caractérisée, l'exaltation, également appelée phase maniaque et la rémission, durant laquelle le malade retrouve un état 'normal'". Autre symptôme, "la rapidité avec laquelle le patient passe d'une phase à une autre. Vous pouvez avoir en face de vous quelqu'un de censé et calme un jour, qui peut subitement changer, être totalement désinhibé, multiplier les projets, déborder d'activité, commettre des actes insensés ou s'enfoncer dans la dépression".
Quant aux causes de cette psychose, elles sont multiples et encore hypothétiques: vulnérabilité biologique, hypersensibilité et traumatisme vécu durant l'enfance. " Les troubles bipolaires n'arrivent pas par hasard, ils surviennent en général de la combinaison de ces trois facteurs".
"Je n'étais pas folle"
Cette maladie, Claire, 40 ans, la connaît bien. Depuis près de 25 ans, elle vit avec, pour le meilleur et pour le pire. Elle en situe les premières manifestations à l'adolescence, "sans que personne ne mette vraiment le doigt dessus": "A 15 ans, avoir des moments de mélancolie ou d'excitation est somme toutes assez courant. Là où les réels problèmes ont commencé, c'est lorsque je me suis mise à travailler et à gagner un peu d'argent. En phase euphorique, je dépense sans compter, ce que je possède et ce que je ne possède pas. Mon plus gros achat? Une voiture neuve, après avoir réussi à contracter quatre crédits auprès de quatre banques en deux jours ".
"Mettre un nom sur ce qui m'arrive"
A la suite d'un énorme épisode dépressif entrainant une hospitalisation, Claire est enfin diagnostiquée, dix ans après les premiers symptômes. "J'ai été soulagée. Je n'étais pas folle, je n'étais pas coupable de tout cela, il y avait une raison à mon comportement", raconte-t-elle. Mais l'officialisation du trouble est à double tranchant: "Certes, je peux désormais mettre un nom sur ce qui m'arrive. Mais l'entourage aussi. Et nombreux sont ceux qui prennent la fuite ou mettent tous mes actes sur le compte de ma maladie. Quand on est bipolaire, même sous traitement, même en phase de rémission, la moindre décision est mise en doute. Récemment, je me suis offert un voyage avec mes enfants. J'en avais les moyens et je ne pense pas être la seule mère décidant de partir une semaine au soleil. Pourtant, tout le monde s'est posé la question: est-ce que je faisais une nouvelle crise?".
Trouver le bon traitement
Surtout, ajoute Claire, avant de trouver le bon traitement, celui qui "ne vous fait pas prendre 30 kilos ni ne vous transforme en légume", il faut du temps. "Cela m'a pris plusieurs années avant de me sentir enfin mieux".
Un constat que confirme Raphael Giachetti: "Ce n'est pas comme une infection pour laquelle on dispose de marqueurs biologiques et dont on connait l'antibiotique qui la fera disparaître. En neuro-sciences, on avance pas à pas, sur la base de notre expérience, de notre ressenti et du malade. Parce que cette maladie est singulière, qu'elle n'a pas la même intensité chez chaque patient et qu'elle ne peut être combattue qu'avec la combinaison de traitements médicamenteux et d'un suivi psychologique adapté".
Cela étant dit, affirme-t-il, "beaucoup de personnes atteintes de troubles bipolaires peuvent, à condition d'être suivies, mener une vie normale, travailler, avoir des enfants, etc". "C'est aussi une maladie évolutive, dont le diagnostic ne vaut qu'à l'instant où il est posé. On peut voir une psychose maniaco-dépressive s'atténuer dans le temps ou au contraire passer d'une forme légère à plus sévère. La plasticité du cerveau est sans fin et rien n'est figé".
Pour Claire, la vie a repris des couleurs depuis plus d'un an maintenant. Mais pas question pour l'instant de reprendre une activité professionnelle: "Socialement, cette maladie vous isole. A force d'être hospitalisée lors de mes états dépressifs, j'ai fini par perdre la confiance de mon employeur, mais aussi de mes collègues, et j'ai fini par être mise en incapacité de travail. Mais j'ai des envies et des projets et je me sens à nouveau capable de vivre, à une vitesse raisonnable !
Je suis d'accord avec le médecin psychiatre quand il dit que c'est à la mode de voir des personnes bi-polaire à chaque coin de rue.
RépondreSupprimerCet article est très intéressant. Il est vrai que cet état bi-polaire tout comme l'autisme par exemple, n'est pas encore compris dans son intégralité me semble t'il. Tout comme dans l'autisme, un trouble bi-polaire a de multiple degré différent dans chaque individus ayant ce trouble.
Il reste de nombreuse solution a explorer pour aider ces personnes a canaliser leur état psychique et psychologique.
Article très intéressant
Cordialement
Steve
Steve
RépondreSupprimerJe suis allée en clinique psychiatrique souffrant de troubles bipolaires, diagnostiquée depuis bientôt 2 ans.
Je me suis rendu compte que la moindre personne souffrant de dépression était considérée comme bipolaire, une étiquette qui oui est bien à la mode en ce moment et je dirais malheureusement car ce n'est pas aider les gens qui en souffrent réellement !!
Sans parler du traitement médicamenteux que les psychiatres inscrivent à ces personnes dépressives !!!!
Bon après-midi
Nathy