De Medscape France
Psychotropes et conduite automobile : lesquels posent vraiment problème ?
10 octobre 2013
Paris, France -La prise d'antidépresseurs augmenterait le risque d'accident de la route de 34 %, selon une étude française publiée en 2012 [1].
Mais, les antidépresseurs, les benzodiazépines et autres régulateurs
de l'humeur présentent-il tous un risque équivalent ? Quels sont les
psychotropes qui posent réellement problème ? Le Dr Bertrand Claudel (Service de psychiatrie adulte, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, France) a fait le point aux Entretiens de Bichat 2013 [2].
Si
les trois triangles de couleurs apposés sur la boite des médicaments
permettent aux consommateurs et aux médecins d'avoir une idée du risque
sur la conduite, ils font parfois référence à des médicaments
présentant des risques très hétérogènes :
- Le Triangle Jaune Niveau 1 : « Soyez prudent. Ne pas conduire sans avoir lu la notice » indique que la prise de médicament ne remet pas en cause la conduite. Il est apposé sur les boites d'antihistaminiques, de certains anti-inflammatoires, antalgiques et antigrippaux.
- Le Triangle Orange Niveau 2 : « Soyez très prudent. Ne pas conduire sans l'avis d'un professionnel de santé » indique que le médicament peut dans certains cas remettre en cause la conduite automobile. Le pictogramme figure sur les boites d'antidépresseurs, de neuroleptiques, de 70% des anxiolytiques, et de 90% des anticonvulsivants.
- Le Triangle rouge Niveau 3 : « Attention, danger, ne pas conduire. Pour la reprise de la conduite, demander l'avis d'un médecin » indique que la conduite est formellement déconseillée. Il correspond aux hypnotiques et aux anxiolytiques fortement dosés ou injectables.
Depuis,
une dizaine d'année, les effets des médicaments sur la conduite sont
testés en condition naturelle ce qui a permis d'affiner nos
connaissances des perturbations de la conduite induites par les
médicaments. La déviation standard de la position latérale permet
d'objectiver les mouvements du « weaving » du conducteur, c'est-à-dire
les oscillations de la direction.
Une grande disparité des effets sous antidépresseurs
D'après ces tests, les antidépresseurs sédatifs (antidépresseurs tricycliques, miansérine, mirtazapine) affectent la conduite contrairement aux non-sédatifs. Ces perturbations sont comparables à celles retrouvées avec une alcoolémie de 0,8 mg/l. Elles concernent essentiellement les débuts de traitement.
Pendant la phase
d'initiation du traitement, il est donc recommandé de ne pas conduire
avec un antidépresseur sédatif. Le risque serait augmenté de 49% selon
l'étude d'Orriols L et coll [1].
La conduite est possible au cas par cas après une semaine de
traitement. Il est alors recommandé de prendre son traitement le soir.
Pour
les antidépresseurs non sédatifs (ISRS, ISRNA, moclobémide), les plus
utilisés, la conduite est possible en début de traitement au cas par
cas et pendant la phase d'entretien chez tous les sujets.
Il
existe des facteurs non directement médicamenteux qui affectent la
conduite et qui sont à prendre en considération pour la conduite au cas
par cas sous antidépresseurs:
- âge de plus de 65 ans ;
- troubles cognitifs associés à la dépression ;
- coprescriptions (benzodiézépines);
- sujets anxieux sous antidépresseurs ;
- tendances suicidaires.
Tableau des antidépresseurs sédatifs et non sédatifs
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Benzodiazépines et somnifères
La plupart des benzodiazépines utilisées comme anxiolytique sont de niveau 2 : Triangle orange. Les recommandations sont les mêmes que pour les antidépresseurs sédatifs. Il n'est pas recommandé de conduire pendant les phases d'initiation, de modification et de sevrage.
La
conduite est possible au cas par cas pendant la phase d'entretien de
l'anxiolytique. La conduite sous benzodiazépine est déconseillée aux
fortes doses, après 65 ans quelle que soit la phase du traitement. Une
étude de 2011 montre que le risque d'accident chez les plus de 60 ans
est multiplié par 5,3 avec les benzodiazépines et par 1,8 avec les
antidépresseurs. L'orateur rappelle qu'en cas d'association d'alcool et
de benzodiazépine, la conduite est à prohiber quelle que soit la dose.
Le
danger vaut aussi pour tous les somnifères. En cas de prise d'un
somnifère, la conduite n'est possible que le surlendemain de la prise.
Ils sont classés niveau 3 : triangle rouge. Le Dr Claudel insiste
également sur le fait qu'il ne faut jamais interrompre un traitement
brutalement ou conduire pendant les phases de sevrage.
Neuroleptiques et régulateurs de l'humeur
Le problème des neuroleptiques est complexe du fait de l'hétérogénéité de la classe. Les neuroleptiques oraux appartiennent à la classe 2 : triangle orange. Ceux par voie injectable sont classés niveau trois : triangle rouge. Les contre-indications sont le plus souvent liées à la psychose elle-même. La conduite est interdite pendant les phases d'introduction ou de modification de traitement quel que soit le neuroleptique.
En revanche, les
régulateurs de l'humeur (lithium et anticonvulsivants) ne sont pas les
produits les plus redoutés. Ils appartiennent au niveau 2 : triangle
orange. La conduite est à éviter pendant les phases d'initiation ou de
modification de traitement que ce soit pour le lithium ou pour les
anticonvulsivants (valproate, carbamazépine). Les principaux obstacles
sont liés aux coprescriptions et aux symptômes résiduels du trouble
bipolaire.
Pour conclure, le psychiatre a
rappelé que l'obligation est faite au médecin d'apporter la preuve
qu'il a donné une information complète et adaptée à son patient quant
aux risques, même exceptionnels, d'effets secondaires liés aux
traitements.
vu sur : http://www.bipolaire-info.org/content/view/274/34/
Merci pour cet article Nathy !
RépondreSupprimerIl est vrai que c'est un truc que je ne comprends pas ça par contre, on nous bassine à longueur de temps avec l'alcool (surtout) et la drogue au volant, mais les médicaments, ne serait-ce que les anti-dépresseurs ont, dans beaucoup de cas, un effet sédatif comme tu le mentionnes, et je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas plus sensibilisé à cela.
Pour exemple, aucun psy que j'ai vu n'a mis en garde, alors que j'ai eu des prescriptions "Niveau 3". Même si c'est marqué sur l boîte, je ne sais pas si l'info passe toujours, on n'inspecte pas toujours nos notices et nos bopites à la loupe (moi je le faisais mais bon vu tous les effets indésirables mentionnés, j'ai arrêté :p)
Je pense que beaucoup de patients ne se rendent pas compte que c'est vraiment dangereux de prendre le volant en ayant un cocktail de médicaments, les psys et autres médecins devraient franchement revoir ou plutôt adapter leur discours. Pour le public, je pense que c'est trop "tôt" de parler d'anti-dépresseurs, de neuroleptiques dans les médias, beaucoup trop de stigmatisation encore de la maladie mentale ou même des légers troubles psychologiques.
Bonne journée à toi :)
Kamille.
Bonjour Kamille,
SupprimerJ'ai posté cet article car justement mon psy m'a déconseillé de faire de longs trajets et éviter le plus possible de conduire.
De toute façon je me rendais bien compte que je n'étais pas assez attentive, lorsque je conduis c'est comme si j'avais bu, ça me tourne la tête et je ne parle pas des réflexes qui doivent être presque inexistants.
Oui c'est bien dommage que la plupart des psys ne déconseillent pas la conduite lorsque nous avons un traitement lourd.
J'espère qu'à travers ce billet que les personnes qui se sentent concernés en discutent avec leur psy ou médecin.
Bonne journée :-)