Or, on sait à quel point la prescription de ce genre de drogue dépasse les cibles
officiellement déclarées puisque le Mediator était largement ordonné comme coupe-faim. L'objectif
commercial de tout laboratoire est
d’élargir les indications de leurs médicaments pour pouvoir les
prescrire plus largement. Au fil des ans, Lilly a suggéré, études à
l'appui, que le Zyprexa® est efficace pour la dépression et les troubles bipolaires.
Aussi, comment croire qu’il n’est prescrit qu’à des schizophrènes ?
Dès 1996, nombre de critiques, particulièrement celles de l'Association américaine des
diabétiques, ont signalé que ce médicament était plus apte à provoquer le diabète que les autres drogues conseillées pour la schizophrénie.
Les
ventes sont devenues plus difficiles lorsque les médecins se sont
aperçus des réactions
pernicieuses. Aussi, en 2002, Lilly rejeta le projet d’informer les
psychiatres au sujet du diabète afin de ne pas ternir la réputation du
Zyprexa®. Le
laboratoire étendit alors son marché auprès des généralistes, moins
avertis des effets secondaires du produit. Il encouragea ses
représentants à
décrire ce médicament comme un psychotrope « sûr, doux, parfait pour
ceux qui ont des maladies mentales sans gravité ».
Ces manigances d’Eli Lilly ont été révélées le 21 décembre 2006 par le New York Times
qui a publié des informations concernant les agissements du laboratoire. Les documents
publiés par ce journal lui ont été fournis par
James B. Gottstein, un avocat canadien représentant les familles de
plusieurs malades mentaux qui attaquaient l’État de l’Alaska pour avoir
forcé ces patients à prendre des médicaments
psychiatriques contre leur gré. L’avocat tenait ces documents d’une personne impliquée dans le procès et il n’était pas soumis à la règle
de confidentialité qui couvre les poursuites judiciaires.
D'après ces dossiers internes de la firme, les dirigeants du laboratoire ont caché aux médecins d’importantes informations concernant 30 %
des patients traités par ce médicament qui ont très rapidement pris
du poids dès la première année. Il faut savoir que la plupart des
psychotropes actuellement sur le marché engendrent ce type
d'effet indésirable et l’Afssaps a toujours considère ce gain de
poids comme « très commun et supérieur à 10 % ». Cette augmentation est
accompagnée de risques de diabète que la
firme pharmaceutique a toujours essayé d’occulter, persistant à nier
tout lien de causalité entre la prise de Zyprexa® et la survenue d'un
diabète.
Les
documents publiés par le journal américain comprennent les e-mails, le
matériel
publicitaire, les perspectives de ventes et les rapports
scientifiques, mais ils montrent également le souci constant du
laboratoire que « les interrogations sur le diabète et l'obésité ne fassent souffrir les ventes de Zyprexa® ». Basé à Indianapolis,
le laboratoire Eli Lilly est le sixième grand fabricant américain de
médicaments. L’an dernier, son revenu était de 14 milliards de
dollars.
Sous la pression des médecins et prescripteurs, Merck a conduit ses propres essais sur les
risques du Vioxx®, alors que Lilly n’a jamais procédé à ce genre d’étude pour
déterminer les risques de diabète avec le Zyprexa®.
Des milliers de procédures en cours
En 2005, Eli Lilly a accepté de payer 750 millions de dollars de dédommagements à 8 000
malades plaignants, mais des milliers d'autres procédures sont en cours. Selon certains psychiatres le Zyprexa®
devrait continuer à être utilisé malgré ses effets nocifs car il est
plus efficace que ses concurrents chez les patients gravement atteints,
alors que pour
d’autres confrères, le produit n’est pas plus efficace que les
médicaments courants. Il serait intéressant de connaître les liens qui
existent entre certains psychiatres et le
laboratoire.
Le 5 janvier 2007, Eli Lilly a, une nouvelle fois, accepté de payer plus de 500 millions pour
arrêter 18 000 procès en cours, sans compter les indemnités déjà octroyées à des dizaines de milliers de victimes. Ces indemnités
ont été beaucoup moins généreuses que les précédentes sous le prétexte
que, le Zyprexa®, comme d'autres antipsychotiques, comportait une mise
en
garde très claire sur les effets secondaires de diabète ajoutée sous
la pression de la FDA. Toutefois le diabète n’est pas le seul effet
indésirable du produit. Il peut également provoquer des vertiges, somnolence, dyspepsie, constipation, asthénie, tremblement, hypotension
posturale et même dans certains cas, rares tout de même, priapisme et leucopénie.
En privilégiant le règlement amiable (28 000 personnes ont été indemnisées), le laboratoire a obtenu que les victimes n’aillent pas jusqu’au procès, ce qui a permis aux actions de Lilly
qui étaient tombées de remonter très rapidement.
N’oublions pas que c’est ce même laboratoire qui fabrique le Prozac®, lui aussi sujet à de nombreux procès aux États-Unis mais pas en France.
Dans sa lettre adressée à Votre Santé,
il répondait à mes accusations en affirmant que son groupe
avait toujours respecté les règles de transparence vis-à-vis du
monde médical, et il me reprochait mon « récit biaisé des faits » et les
suspicions dont je faisais état, qui
« pouvaient susciter la crainte des patients voire conduire certains
d’entre eux à interrompre leur traitement avec tous les risques
pourtant bien établis que cela implique. » En fin de
lettre, il disait espérer que je tiendrais compte de ces éléments à
l’occasion d’une prochaine analyse.
Je n’ai donc pas répondu alors, mais le 31 janvier 2008, dans sa Newsletter,
FiercePharma, association américaine qui dénonce les scandales de la
santé publique, répondait pour moi en avertissait ses
lecteurs : « Si les remords sont proportionnels aux sommes que vous
pouvez accepter de payer pour absoudre vos fautes, alors Eli Lilly doit
se sentir très coupable au sujet de son
produit le Zyprexa®. » Et à l’instar de FiercePharma, le New York
Times du même jour nous rappelait que la compagnie était accusée d’avoir incité les médecins à prescrire ce médicament aux patients
atteints de démence ou seulement déprimés, alors qu’il n’était agréé que pour les cas de schizophrénie et de troubles
bipolaires graves. Les deux médias confirmaient que le laboratoire et les parties civiles qui l’attaquaient essayaient de trouver un
accord pour arrêter les enquêtes gouvernementales et fédérales sur la commercialisation de ce produit.
Toujours
à la même époque, d'autres anciens visiteurs médicaux ont dévoilé les
techniques utilisées pour
influencer et manipuler les médecins et pour créer un terrain
accueillant en les « intéressant » par des voyages, des repas, des
cadeaux, des échantillons et toutes sortes de
gadgets que les visiteurs médicaux tiennent à la disposition de
« ces grands enfants innocents que sont les médecins, émerveillés par ce
qu'on leur offre et ne pouvant pas résister à la
tentation... »
C’est alors que j’ai décidé d’envoyer une lettre ouverte à Monsieur Amory par le biais du journal Votre Santé, et cette fois, il n’a pas répondu.
Il a quitté Ely Lilly France en juin 2011 « afin de poursuivre d’autres opportunités professionnelles ».
En France, les membres de l’Afsaaps, rebaptisée Ansm (Agence nationale de sécurité du médicament), qui semblent ignorer
totalement ce qui se passe hors de l’hexagone et ont perdu tout sens
critique, n’ont pas tiré la moindre leçon du scandale du Mediator et de
ses
nombreux précédents. Ils « surveillent » le Zyprexa® et attendent
sans doute qu’on découvre des centaines d’accidents et de décès, avant
de le retirer de la circulation.
Aurons-nous un
jour en France un juge qui accusera le laxisme des autorités françaises
qui persistent à autoriser un médicament dont l’efficacité
est contestable, les effets secondaires indiscutables et le prix
exorbitant, et dont la renommée est basée sur des mensonges ?
Cependant, tout s’explique lorsqu’on apprend que le Zyprexa®, qui d'année en année, s'est imposé comme l’antipsychotique de référence, est, de loin, le médicament le
plus rentable du laboratoire car il reste l’un des médicaments les plus vendus au monde.
Ses ventes, qui représentent 28 % de son chiffre d’affaires,
s’élevaient à 5 milliards de dollars en 2010. On comprend pourquoi la
firme s’acharne à
défendre son produit et se permet de payer de telles sommes pour le
blanchir.

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