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Nathalie


vendredi 12 avril 2013

Idées reçues sur les troubles bipolaires........Misconceptions about bipolar disorder.....


Extrait du livre de Thierry Haustgen

« On ne peut réunir dans une même maladie la manie et la dépression. »


L’un des principaux obstacles à l’acceptation de la folie circulaire (ou à double forme) par certains médecins au XIX siècle est qu’on a longtemps considéré la manie et la mélancolie comme des délires, dont le degré d’extension était sans commune mesure, portant sur une multitude de thèmes, dans un cas, il était partiel ; focalisé sur une idée fixe, dans l’autre. 

Comment l’exubérant et instable délire maniaque, d’une part, le pauvre et immuable délire mélancolique, d’autre part, pouvaient-ils se rattacher à la même affection ? 
Puis on a admis peu à peu que ces deux états ne pouvaient se définir par la nature de leurs idées délirantes. 
Le délire mélancolique lui-même pouvait englober des thématiques variées, de la dévaluation personnelle à la croyance d’une prochaine fin du monde, en passant par la culpabilité, la ruine, la punition méritée, la maladie ou la négation de l’existence de certains organes. 
Le délire mélancolique, affirmait Baillarger, est aussi général que le délire maniaque. 
C’est à partir de ce constat qu’il a décrit la folie à double forme.
Il a été encore plus difficile de faire admettre que des manifestations maniaques et dépressives pouvaient se rencontrer simultanément, au sein du même accès de la maladie.

Philippe Pinel avait pourtant décrit dès 1800 une « manie sans délire » (le terme était un oxymore à l’époque !), dans laquelle l’excitation et une fureur allant jusqu’à la violence s’accompagnaient de remords et d’idées de suicide.
Dans les années 1880, l’aliéniste parisien Jules Cotard (1840-1889) a tracé le tableau clinique d’une mélancolie délirante s’accompagnant, non d’inhibition et de ralentissement, mais d’une anxiété pouvant tourner à l’agitation. Sa description est devenue le syndrome de Cotard, cher aux psychiatres français.
C’est semble-t-il l’aliéniste Jules Falret (1824-1902), fils de Jean-Pierre Falret, le découvreur de la folie circulaire, qui employa en 1860 pour la première fois le terme d’état mixte pour désigner « des idées prédominantes, souvent de nature tristes, au milieu d’un état d’excitation simulant la manie véritable ». Il voulait remplacer par ce terme « les expressions hybrides et contradictoires de mélancolies maniaques ou manies mélancoliques ». 
Une quarantaine d’années plus tard, Emil Kraepelin systématise la description des états mixtes et les inclue dans sa folie maniaque-dépressive, ce que n’avait pas fait le fils Falret. Le psychiatre allemand en décrit six formes, reposant sur un défaut d’harmonie entre :

Les trois grandes fonctions mentales :

 

Les facultés intellectuelles, humeur et activité motrice (ou pensée, dysphorie et volonté, comme on disait à l’époque). Quand elles ne sont plus toutes trois, soit exacerbées (manie pure), soit diminuées (dépression pure), mais lorsque l’excès de l’une s’accompagne de l’insuffisance des deux autres, ou inversement, on aboutit à des formes combinées : les états mixtes. Ils comprennent la manie coléreuse (ou dépressive), la dépression agitée, la manie improductive (ou pauvre en pensées), la manie stuporeuse, la dépression avec fuite des idées et enfin la manie inhibée. 

Pour Kraepelin, il existait une continuité entre les deux formes pures et les six formes mixtes de la folie maniaco-dépressive, chacune de ces huit formes se rattachant à la même maladie par des transitions progressives.



On ne décrit plus actuellement six états mixtes. Mais on a repris de Kraepelin, à travers le concept de dimension pathologique, son idée d’un défaut d’harmonie entre les différentes fonctions mentales. 
 
En 1992, la psychiatre américaine Susan McElroy a réhabilité la première forme d’état mixte, sous le nom de manie dysphorique, associant humeur triste ou irritable, fuite des idées et agitation motrice.
Elle a cherché à en repérer les caractéristiques à partir de la synthèse d’études précédentes, réunissant 980 patients. Ce diagnostic concernerait environ 30 % des états maniaques, avec la notion d’une nette prédominance féminine. 

L’étude française EPIMAN-II Mille, coordonnée par le psychiatre américain Hagop Akiskal, conduite à partir de 1 090 cas, a permis de préciser en 2006 les particularités symptomatiques de la manie dysphorique. Les accès apparaissent marqués par un sentiment de désespoir, la fréquence des caractéristiques psychotiques et un taux élevé de tentatives de suicide.

Cette pathologie récidive fréquemment et conduit souvent à des erreurs de diagnostiques.
Il en est ainsi chez cette femme d’une cinquantaine d’années qu’au premier abord on pourrait croire atteinte d’un trouble grave de la personnalité. Très agitée, elle pleure et se lamente, confie ne plus parvenir à chasser de son esprit le souvenir obsédant de la mort de ses parents, se reproche sa conduite passée envers eux.
Elle évoque des angoisses et une insomnie qui la conduisent à absorber des boissons alcoolisées pour dormir, lorsqu’elle ne parcourt pas les rues à l’occasion d’équipées nocturnes pendant lesquelles elle manque de se faire agresser. Elle parle fort et avec volubilité, les idées s’enchaînent de manière chaotique dans son discours. Elle se lève de son siège, tourne en rond dans le bureau, puis gagne la salle d’attente, où elle s’épanche avec familiarité auprès de personnes qu’elle ne connaît pas. 
On ne peut plus rien faire pour l’aider, c’est la fin, dit-elle. Elle ne s’alimente plus et maigrit. Ceux qui connaissent son histoire savent qu’elle a présenté de nombreux accès similaires depuis la fin de l’adolescence, notamment peu après la naissance de sa fille, et a été hospitalisée à de multiples reprises. 
Elle a perpétré plusieurs tentatives de suicide médicamenteuses. Elle a dû arrêter de travailler depuis longtemps, touche une pension d’invalidité. Initialement considérée comme une personnalité histrionique (hystérique) présentant des états délirants aigus, elle rechutait régulièrement tous les ans sous traitement neuroleptique prescrit à titre préventif, avant que sa mise sous régulateur de l’humeur ne lui apporte plusieurs années de stabilité. 
Se croyant guérie, elle a interrompu son médicament peu avant la récidive actuelle.
Dans d’autres cas, qu’on a qualifiés de syndromes dépressifs mixtes ou de dépressions mixtes, l’humeur dépressive et le ralentissement de la pensée s’accompagnent d’une agitation motrice. 
Manie dysphorique (ou mixte) et dépression agitée (ou mixte) constituent à l’heure actuelle les deux formes reconnues d’états mixtes. Ce sont les deux premières des six formes historiques d’Emil Kraepelin.
Depuis la dernière édition en date de la classification américaine des troubles mentaux, le DSM-IV, publié en 1994, on considère que, pour diagnostiquer un épisode (ou un état) mixte, doivent être réunis les critères d’un épisode maniaque et d’un épisode dépressif majeur, pendant au moins une semaine. Cette conception n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés, puisque plusieurs critères sont déjà communs aux deux types d’épisodes dans leur forme pure, non mixte, tels les troubles de l’attention, l’agitation, l’insomnie ; et, chez l’enfant et l’adolescent, l’irritabilité. 
Pour résoudre ce problème, les concepteurs de la prochaine version, le DSM-5 (on passe dans cette édition des chiffres romains aux chiffres arabes), qui devrait paraître en 2013, définissent dorénavant de manière plus précise les                « caractéristiques mixtes », comme une spécification pouvant concerner aussi bien les troubles bipolaires I et II.
Des critères différents leur sont appliqués, selon la polarité prédominante de l’épisode, maniaque, hypomaniaque ou dépressive, reprenant la séparation entre manies mixtes et dépressions mixtes.
Plutôt que la juxtaposition de symptômes maniaques et dépressifs, certains considèrent actuellement que les états mixtes seraient l’expression d’un défaut de concordance entre un trouble de l’humeur et un tempérament. Kraepelin avait déjà décrit quatre types de constitutions sous-jacentes aux accès maniaco-dépressifs, qu’il avait dénommées :
constitutions excitée, déprimée, irritable et cyclothymique.
Akiskal a repris ces descriptions sous le vocable de tempéraments. Pour lui, la manie pure serait caractérisée par la survenue d’accès maniaques chez des sujets au tempérament « hyperthymique », manifestant une tendance permanente à l’hypomanie, d’où son égale répartition entre les deux sexes.
Cette « polarité congruente » entre épisode pathologique et tempérament n’est plus retrouvée dans la manie mixte ou dysphorique, survenant chez des patients au tempérament dépressif, ce qui expliquerait sa prédominance féminine.Quant à la dépression mixte, elle se manifesterait chez des patients au tempérament « hyperthymique » ou « cyclo-thymique. »


L’intérêt de ces recherches est de réhabiliter concept historique d’état mixte et ainsi de confirmer l’étroite parenté entre manie et dépression.


La manie est-elle la résultante de mécanismes de défense psychologique contre la dépression ou la manifestation clinique d’une perturbation neuro-biologique commune aux deux états ? 

 

 

Quelle que soit la réponse apportée à cette question, leur inclusion au sein d’une même affection, les troubles bipolaires, est pleinement justifiée par l’existence des état mixtes !

 

http://tempsreel.nouvelobs.com/le-dossier-de-l-obs/20130206.OBS7909/etes vous-bipolaire-le-nouveau-mal-du-siecle.html


            

                                    


 



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