Pourquoi ce journal intime ?

Un besoin d'écrire tout simplement ? Aligner les mots et maux comme une thérapie ?
A maintes reprises j'ai cherché en vain des blogs parlant de le bipolarité et jamais je ne m'y suis retrouvée.
Je désire un blog simple où chaque personnes malades ou non puissent s'exprimer librement.
N'hésiter pas à m'envoyer vos textes, poésies...je les publierais, avec votre consentement bien sur.
Mon but n'est pas d'avoir plusieurs lecteurs mais si je peux aider, soutenir une seule personne et partager avec elle ce sera pour moi partie gagnée !!
Nathalie


mercredi 14 novembre 2012

La responsabilité du patient face à sa maladie : un élément vital pour sortir du tunnel

Dans le cadre des dossiers que nous demandons régulièrement à notre consultant psychologue, Vincent Trybou, du CTAH (centre des troubles anxieux et de l'humeur) en voici un qui traite de la responsabilisation du patient que nous sommes face à la bonne gestion de notre maladie. Car il ne suffit pas d'avoir le bon diagnostic puis le bon traitement, nous avons également un rôle actif et très important à jouer pour aller mieux.

 

 

Il n’y a pas très longtemps, Bipolaire Info m’a demandé un texte sur la responsabilité du patient face à sa maladie. Sujet pointu. C’est vrai qu’on parle souvent de l’importance de l’information et du diagnostic (« Ca fait des années que je souffre de quelque chose dont je ne trouve pas le nom. Je suis perdu face à un mal que je ne sais même pas identifier. Où trouver la bonne information pour savoir de quoi on souffre ? On m’a parlé de dépression mais n’y a-t-il pas autre chose caché en dessous ? »), de l’importance du bon médicament («  Je découvre que je suis cyclothymique en allant sur internet, alors que de nombreux médecins ne m’en ont jamais parlé et ont insisté bêtement pour que je prenne des antidépresseurs dangereux pour moi ! »), mais aussi de l’importance du soutien familial, l’importance des rythmes de sommeil, l’impact du stress, … Dans tout cela, le patient a bien des obstacles à franchir.

 


Le patient est victime de sa maladie, victime du manque d’information, victime de mauvais diagnostics et de traitements inadaptés ou dangereux, victime de l’incompréhension de ses proches, pointé du doigt comme « bizarre, taré, fou ». Cela fait beaucoup ! Mais il y a aussi un autre facteur que l’on prend peu en compte, c’est le patient lui-même. Certaines personnes ne se sont pas gênées pour lui dire qu’il ne faisait pas d’efforts, qu’il détruisait la vie de sa femme ou de son mari, qu’il n’était pas fiable, etc. La responsabilité, selon moi, ce n’est pas se culpabiliser et se laisser culpabiliser, se draper dans la honte et se laisser mourir, mais réfléchir à tout ce qui est bon pour pouvoir avancer.


Il y a quelques semaines, j’ai publié un texte sur le site minorités.org, texte dont je vais reprendre un extrait pour Bipolaire Info :  « Dans mon travail au quotidien avec les malades psy, je fais tout pour ne pas les stigmatiser, j’essaie de les rendre un peu plus fiers d’eux-mêmes, leur dire qu’ils doivent se redresser, qu’ils ne sont pas des marginaux, qu’ils n’ont pas à plaire à tout le monde, qu’ils n’ont pas de tares, et que leur maladie ne les résume pas. Je les encourage à avoir du respect pour eux-mêmes, de la patience pour avancer, à ne pas s’accabler et à ne pas s’abaisser devant quelqu’un qui les critiquera à cause de leur alcoolisme, de leur TOC, de leurs tentatives de suicide ou de leurs troubles bipolaires. Mais je maintiens dur comme fer, et je leur casse la tête pendant deux heures s’il le faut, en leur disant que leur sommeil, que leurs médicaments, que leur hygiène de vie (zéro drogue, zéro alcool, etc.) sont vitaux et obligatoires s’ils veulent avancer. Que c’est de mon devoir de leur dire ce qui leur sera bénéfique et de les mettre en garde contre ce qui leur sera néfaste. Et que je me moque totalement qu’ils ne m’apprécient pas parce que je les ai engueulés car ils ont picolé par dessus leur traitement, qu’ils me maudiront toute la soirée, qu’ils se diront que je suis un connard, que je n’ai pas à jouer le rôle de leur père, mais qu’à partir du moment où ils viennent consulter chez moi c’est pour LEUR DEMANDE de soin et que cette demande de soin et d’évolution requiert des exigences et des fondamentaux. Si je ne gueule pas, c’est que je ne respecte pas leur demande. Si je gueule, c’est justement parce que je veux qu’ils réussissent. La maladie fait perdre pied, on crie pour revenir à une normalité, pour pouvoir refaire des excès, mais on ne peut pas car la maladie sera encore pire et nous le fera payer. Et c’est mon rôle de responsabiliser mes malades pour leur donner le maximum de chances de s’en sortir. C’est pour cela qu’ils me consultent, après tout. Je suis donc fondamentalement opposé à ce discours visant à ne rien dire, cautionner, ne pas juger, ne pas engueuler. C’est la meilleure façon de déresponsabiliser, infantiliser la personne et la piéger dans des comportements qui la détruisent ».


C’est toute la difficulté du juste milieu entre « information qui fait avancer » et « information qui va provoquer la culpabilité ». Il y a des choses qui sont nécessaires pour aller mieux, et il faut bien que ces choses soient constamment rappelées.


Maintenant, concernant les bipolaires et les cyclothymiques, je pense qu’il est important de rajouter des éléments vitaux pour avancer :


- l’argument selon lequel la cyclothymie et les troubles bipolaires sont biologiques, génétiques, et sont sensibles au stress et aux évènements de vie est vital. Nier la biologie et la génétique, se cacher derrière une enfance comme ceci ou cela, un mariage difficile, un travail stressant, une thérapie sur l’enfance, etc, ne permettra jamais de stabiliser un trouble bipolaire, car ces arguments nient la partie biologique et génétique du trouble bipolaire et de la cyclothymie. Biologie et génétique signifient médecine et non pas « tare ». Biologie et génétique signifient que nous savons que ce n’est pas vous, votre caractère, votre personnalité, votre éducation qui posent problème mais un truc dans le cerveau qui ne fait pas son boulot correctement et vous handicape. Cela vous permet justement de casser la culpabilité et la stigmatisation, au même titre qu’un patient diabétique, cancéreux, épileptique. Vouloir constamment voir dans la maladie la conséquence d’une enfance X, d’un environnement Y, maintient l’idée que c’est psychologique et non biologique, cela maintient le droit de vous considérer comme étrange, inapte, faible, sans volonté. Cela ne peut donc que vous desservir. Après, bien sûr, il convient de prendre en compte les évènements de vie, le stress, les traumatismes, mais ces éléments là ne pourront que venir se superposer sur une biologie spécifique. Une thérapie sur soi vient après une biologie stabilisée, et non le contraire, sinon c’est l’assurance de l’échec. Soyons donc vigilants par rapport à ces personnes qui vous diront qu’il faut décortiquer ceci ou cela dans votre vie, que c’est la source de tout, et faites attention à votre propre tendance à invoquer des souvenirs passés pouvant expliquer ceci ou cela. Un pourcentage important des patients bipolaires fait des dépressions sans déclencheur ou avec des déclencheurs qu’ils reconnaissent eux mêmes comme décalés par rapport à la violence (ou la durée) de leurs dépressions. De même pour les hypomanies ou les montagnes russes de la cyclothymie : le plus souvent, rien n’explique ces phénomènes, ils semblent fonctionner en dehors de votre volonté et du contexte.


- arrêtons avec l’illusion que l’on peut avoir la même vie que tout le monde ! Non, une personne souffrant de troubles bipolaires ou de cyclothymie n’aura pas la même vie que tout le monde pendant un certain temps. Et ce « certain temps », c’est le temps d’être stabilisé. La stabilisation est dépendante du diagnostic, du médicament, du bon sommeil, de la prise régulière du médicament, de la bonne gestion du stress, de la fatigue professionnelle, de la compréhension de la maladie par l’entourage, de la consommation d’alcool, de café (et autres excitants), de tabac, de drogues, des aléas des histoires d’amour. Un patient qui croit qu’il peut cumuler alcool et médicaments ne se respecte pas et diminue ses chances de voir s’améliorer son handicap. Un patient qui veut réussir professionnellement au point de tuer son sommeil, se met en danger. Quand le patient est stabilisé, il peut reprendre ses passions, sa vie, son travail avec grand soulagement. Mais il devra rester très vigilant au sommeil, aux oublis de médicaments, aux stimulants, au stress, au surmenage, etc. Et bannir les drogues et la consommation abusive ou trop régulière d’alcool.


- arrêtons avec l’illusion que la stabilisation doit arriver vite : un trouble bipolaire est une maladie complexe, car il y a de la dépression, des hypomanies, des épisodes mixtes, et tout cela change et se mélange tout le temps. Il faut trouver le bon diagnostic entre les différentes formes de troubles bipolaires, trouver le bon traitement. Un traitement, qui a fait ses preuves avec un autre patient souffrant du même trouble, peut ne pas marcher chez vous. On abandonne ? Non, on n’abandonne pas, sinon cela ne sert à rien d’avoir souffert pendant des années. On continue ! Le médecin analyse pourquoi cela ne marche pas avec ce traitement. Y a-t-il une particularité dans votre trouble qui entraine cela ? Est-ce incompatible avec les anciens traitements que vous avez eus et qui ont fatigué votre cerveau ? On teste un autre, puis un autre, jusqu’à obtenir la formule idéale. Le trouble bipolaire est exigeant et il réclame une immense patience. Un échec est aussi une piste à analyser pour avancer car il nous apprend ce que votre cerveau tolère et ne tolère pas. Quand on voit comme certaines femmes ont du mal à trouver la pilule contraceptive la plus confortable, on peut se donner la même patience pour un trouble aussi complexe que la bipolarité. Votre maladie se moque de votre impatience, aussi légitime soit votre impatience et votre ras le bol des années de traversée du désert.


Dans tout cela, gardons le plus important : dans la maladie, je vise toujours le respect de moi même. Je vise à ne pas me nuire et à respecter autant que possible les règles d’hygiène de vie, les « bons » rythmes et les conseils thérapeutiques. Le but n’est pas de faire disparaître les manifestations de la bipolarité (ce qui est impossible) mais « avoir la santé » dans le sens de pouvoir jouir de ses capacités et assurer un niveau de fonctionnement adapté à ses capacités. Un tel objectif ne peut être obtenu qu’avec une alliance thérapeutique, une acceptation du trouble et un engagement de se prendre en charge.



9 commentaires:

  1. L'hygiène de vie, j'en connais un rayon ! Enfin surtout la mienne :)
    Je ne consomme ni alcool ni drogue. Je fais très attention à mon sommeil.
    Dernièrement j'ai appris que je devais aussi faire attention à ma gestion du travail qui implique un stress important.
    A force, je vais y arriver !

    RépondreSupprimer
    Réponses

    1. Bonsoir Soldat,

      L'hygiène de vie est très importante, mes psy ne cessent de me le dire.
      Mais voilà moi j'ai un gros problème pour trouver le sommeil, pour te donner un exemple, cette nuit je n'ai pas dormis, je suis restée devant le feu de cheminée à tapoter sur les touches du clavier.
      Et lorsque je dors mon sommeil est agité, les cauchemars ne cessent de me hanter.
      Ce qui inquiète beaucoup mon psychiatre.

      Oui Soldat, et ton pseudo est bien choisit, tu vas parvenir à combattre ta maladie !!!

      Bon courage
      Nathy

      Supprimer
  2. Anonyme14/11/12

    Article très intéressant, merci Nathy pour ce partage !
    J'ai bien aimé le passage sur la responsabilité des uns et des autres.
    Cath

    RépondreSupprimer
    Réponses

    1. Bonjour Cath,

      Cet article est intéressant aussi bien pour les malades que pour aider l'entourage à comprendre
      Pour ce qui est de mon cas, il m'a aidé, m'a ouvert un peu plus les yeux face à la bipo.

      Nathy

      Supprimer
  3. Bonjour Nathy,
    Je trouve que ton article est très intéressant aussi, j'apprécie le thème de responsabilisation qui vise l'autonomie par rapport à la maladie.
    je me permet simplement de faire une remarque sur "Biologie et génétique signifient médecine et non pas « tare »." car on peut penser que parler d'une maladie biologique lié au cerveau permet de destigmatiser. Le fait est que pour le public non averti quand on leur parle de maladie du cerveau, il pense en général que c'est justement irréversible, c'est la tête, Doc! qu'il n'y a rien à faire.
    Voir l'article canadien en cliquant sur mon pseudo.
    Il ne s'agit pas d'une maladie bio-bio-bio mais bio-psycho-social. Je pense qu'il ne faut pas négliger les aspects psychologique et sociaux.
    Bonne continuation et merci pour ton travail!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Bipote?

      La maladie du cerveau est mal perçue, pour beaucoup de personnes, la dépression n'existe pas, d'ou ces remarques "bouge toi..quel problème as tu pour te plaindre..." ou alors l'indifférence, le silence, un tabou !!! et le pire est de rentrer dans la catégorie "c'est un fou, une folle.."

      Je pense comme toi que plusieurs aspect peuvent entrer en compte dans la bipolarité, tel que l'environnement, un choc traumatique...

      Je vais de ce pas aller voir ton blog
      Merci pour ton com
      Nathy

      Supprimer
  4. Bipote16/11/12

    oups, le lien de l'article canadien.

    http://www.fcass-cfhi.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/12-06-04/a078ceca-4a41-4d14-82b5-b60f5a8bb991.aspx?Jun+FCRSS

    RépondreSupprimer
    Réponses

    1. Bipote,

      Merci beaucoup pour ce lien très intéressant, à lire !!
      Un passage m'a fait froid dans le dos (et pourtant au XXIème siècle, nous en sommes toujours là !!),
      voici l'extrait :

      Alors pourquoi les maladies mentales ne sont-elles pas des maladies comme les autres? Selon les données probantes, bien que le public ait moins tendance à mal juger les personnes en raison de leur maladie mentale biologiquement déterminée[7], l’idée même qu’ils puissent agir à leur insu sème la crainte de leur imprévisibilité, d’où la perception que les malades mentaux sont dangereux[8-11, 15] et qu’ils sont à éviter[7, 11, 16-18]. Des explications biologiques peuvent également inculquer une attitude de « nous et eux » qui voit les personnes atteintes de maladie mentale comme étant fondamentalement différentes[19]. Par exemple, une enquête de 2008 auprès des Canadiens[20] a constaté que :

      42% ne se socialiseraient plus avec un ami ayant reçu un diagnostic de maladie mentale;
      55% ne se marieraient pas avec une personne atteinte de maladie mentale;
      25% auraient peur de côtoyer une personne atteinte de maladie mentale;
      50% ne diraient pas à des amis ou des collègues qu’un membre de leur famille est atteint de maladie mentale.

      Nathy

      Supprimer

  5. Bipote,

    Je voulais aller te lire en cliquant sur ton pseudo, mais il est impossible d'accéder à ton blog...message d'erreur ??
    Envoies moi ton URL, si tu le désires bien sûr.

    Nathy

    RépondreSupprimer